« une MA-NI-FES-TA-TION. Vous savez ce que c’est ? »


« Plût au ciel, dit-il.
− Pardon ?
− Plût au ciel, répète-t-il. – Excusez-moi, Monsieur le pro..., Monsieur, le di..., Jean, mais je ne comprends pas.
− Ce sont les premiers mots de votre roman. Plût au ciel. Vous vous rendez compte ! – Vous avez quelque chose contre le ciel ? dis-je.
− Non, pas précisément.
− Alors ?
− Alors ? Écoutez, mon petit Philippe – je peux vous appeler mon petit Philippe, n’est-ce pas ? Écoutez. Quelle heure est-il ?
− L’heure ?
− Oui, l’heure.
− Eh bien, 3 h 20. 15 h 20, si vous parlez SNCF.
− Bien. Quel jour sommes-nous ?
− Mercredi, je crois.
− Non, jeudi, mais ça ne fait rien. Et le mois ?
− Octobre.
− Et l’année ?
− 2002, je crois.
− Vous croyez ! Et qu’est-ce qu’on entend sous les fenêtres ?
− Du bruit.
− Quel bruit ?
− Mais je ne sais pas, moi ! Du bruit !
− Tendez l’oreille. »
Je tends l’oreille, j’écoute, je fais le vide dans mon esprit. Et très loin, j’entends. Il s’impatiente. « Alors ?
− Un chien.
− Quoi, un chien ?
− Je ne reconnais pas la race aux aboiements... Ah... et des oiseaux.
− Des oiseaux ! »
Il a un geste de découragement. Je retends l’oreille.
« Trois oiseaux, ou peut-être quatre. »
Il pose ses lunettes sur le bureau avec une grande lassitude.
« Vous croyez ?
− Aujourd’hui, 20 octobre 2002, à PARIS, il y a une manifestation, une MA-NI-FES-TA-TION. Vous savez ce que c’est ?
− Oui, je crois. »
pp. 11/13 


Auteur de nombreux ouvrages, Bernard Edelman s’interroge ici sur l’écriture. Non sans dérision, Vertécon casse les codes du roman, dévoile les simulacres d’écriture, imbrique les histoires, les époques et les mots pour une anagogie des belles-lettres.
Finalement, qu’est-ce que la réalité de l’écrivain, sinon un bon roman ?

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