immersion dans le poids de la religion et des traditions

Après Journal d'un fœtus (2014) et Une Nuit pour mon oncle (2015), sort dans les librairies, le 17 janvier, la nouvelle « tranche de vie » de Benjamin Taïeb, Ma (dé)conversion au judaïsme, aux éditions Lunatique.
L'auteur a 6 ans lorsque son père décide que son frère et lui devaient se convertir au judaïsme : « si mon père est juif, ma mère n'est pas juive. Or, selon une tradition orale, la religion juive se transmet par la mère. Nous rentrions d'un voyage en Israël, la seule fois que mes parents y ont séjourné. Ils en sont revenus tout illuminés. Mon père a aussitôt décidé de nous convertir au judaïsme – les religieux disent, en verbe transitif « régulariser », car nous étions un peu juifs tout de même –, mon grand frère et moi. Ma mère ne s'y est pas opposée ».
Dans ce récit, Benjamin Taïeb décrit le long parcours de conversion (il avait 14 ans et 9 mois lorsqu'il a finalement effectué son « entrée dans l'Alliance ») qu'il a dû emprunter par une éducation religieuse menée par les rabbins orthodoxes du Consistoire de Paris. Cette « conversion, qui repose essentiellement sur le suivi des prescriptions religieuses, allait graduellement changer [leur] mode de vie ».
En effet, par des anecdotes drôles ou touchantes, l'auteur décrit toutes les règles religieuses auxquelles son frère et lui ont dû se plier. Des règles strictes, pas toujours évidentes à comprendre ou à respecter pour un enfant ou un adolescent. Les règles religieuses les plus visibles, les plus connues sont celles relatives au shabbat (ne rien porter, ne pas utiliser d'électricité...) et aux « prescriptions passablement complexes de la cacherout » : les ruminants aux sabots fendus et aux pieds fourchus sont autorisés, de même que les poissons qui ont des nageoires et des écailles. « Exit la raie, l'esturgeon, l'anguille, le turbot, les fruits de mer, etc. C'est le passage piège pour les amis persuadés, de bonne foi, de respecter votre pratique et de ravir vos papilles avec leur magnifique paella. » Sur ces règles alimentaires, l'auteur se questionne avec humour : « Mais quid de l'espadon qui a des écailles, petit, mais les perd en grandissant ?... ou du saint-pierre qui a parfois de petites écailles, parfois aucune ? » Benjamin Taïeb pointe également les contradictions entre la règle de l'abattage rituel et le respect des animaux dicté par la Torah, poussant de nombreux juifs à devenir végétariens pour rester en accord avec les préceptes religieux.
Peu à peu, il va prendre « conscience que le monde religieux et celui de [ses] aspirations devenaient de plus en plus étanches », jusqu'à son « échappée du carcan familial et religieux », à l'âge de 18 ans. Prenant son « destin en main », il se considère aujourd’hui « comme un juif athée », pratiquant « un ersatz de judaïsme ». « Il y a longtemps que la religion n'appartient plus à mon avenir », explique ainsi l'auteur.
Par la description d'un long parcours vers la conversion puis la « déconversion », ce récit est une immersion dans le poids de la religion et des traditions. Mais, surtout, Benjamin Taïeb y inclut des réflexions poussées, étayées d'auteurs ou d'universitaires, à l'image de Jean-Paul Sartre ou de Shlomo Sand, sur la place des femmes dans la religion, le racisme, la nationalité israélienne et les droits qui y sont associés...
Par P. Prenant
Patriote Côte d'Azur n° 170
Semaine du 13 au 19 janvier 2017

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