L’écrivain qui dérange


Samedi à Sainte-Croix-sur-Buchy, rencontre avec Jérémie Lefebvre, l’écrivain qui dérange
La liberté d’expression est toujours une conquête à défendre. Jérémie Lefebvre, écrivain et auteur-compositeur qui a grandi à Blainville-Crevon, en fait l’expérience avec Le Collège de Buchy , son troisième roman. Il y raconte à la première personne, le calvaire d’un collégien souffre-douleur. Le texte est noir, violent, parfois délirant, certes inspiré de son vécu de collégien, « mais c’est un roman », insiste l’auteur, âgé de 43 ans, qui fut effectivement scolarisé à Buchy.

Quelle aventure ce roman d’abord privé de dédicace à Buchy !
Jérémie Lefebvre : « Je savais qu’en gardant le nom de Buchy je prenais un risque, mais je ne pensais pas qu’il susciterait pressions et menaces au point de devoir annuler une rencontre. J’ai été surpris par cette crispation et cette susceptibilité, d’autant plus qu’aucun personnage n’est reconnaissable. Effectivement, on peut me dire que la démarche est ambiguë, mais j’assume. Un romancier travaille toujours avec un matériau intime. Là, il s’agit de harcèlement et je ne voulais pas cacher. Ce serait entretenir l’omerta. Aucun établissement scolaire n’est à l’abri de ce phénomène. Je suis heureux de l’issue positive que me propose la bibliothèque municipale de Sainte-Croix-sur-Buchy. Cela va être l’occasion d’élever le débat et de ne pas se focaliser sur un collège. »

N’est-ce pas cette fureur dans l’expression qui a choqué ?
« Oui, ce texte est violent. Un romancier travaille avec sa subjectivité. Il y a une démesure dans l’écriture. Pour moi, il s’agissait de faire ressentir la force de la peur et cette obsession maladive pour un jeune élève de 6e. J’ai poussé la violence jusqu’à l’extrême limite. Le but est de susciter un questionnement. Un romancier est là pour ouvrir des brèches dans la tête des gens. L’hostilité qui s’est manifestée est intéressante et témoigne du rapport toujours compliqué à l’expression, car là on s’en prend à celui qui dénonce. »

Parler du harcèlement même quand le ministère lance une campagne c’est compliqué. Cela reste un tabou ?
« J’aurais aimé avoir un débat avec l’équipe pédagogique du collège de Buchy et les parents d’élèves. Cela n’a pas été possible. On s’aperçoit que certains préfèrent garder le silence et nier. L’idée n’est pas de faire pleurer sur mon cas personnel, ni de vider mon sac. Cette période de ma vie date d’il y a trente ans. Je m’en suis bien sorti, c’est cicatrisé ! Et je viens d’achever mon quatrième roman, cette fois une fiction politique. »
Sophie Bogatay
article paru ce jour dans Paris-Normandie


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