Il
a onze ans et il entre au collège. Il a onze ans et il a peur, rien
qu’un peu peur car il ignore comment cela sera.
Il
est installé dans la troisième rangée et il aperçoit la tête
d’Inès, toujours à la même place comme si celle-ci lui
appartenait, comme si elle en était l’unique propriétaire.
Elle
se retourne et agite les doigts. Elle a toujours ses lunettes à gros
verres, mais a perdu son appareil dentaire, ce qui la rend plus, bien
plus jolie.
Pendant
trois ans, ils se côtoient à subir les mêmes cours barbants, à
subir les mêmes profs grincheux, et se retrouvent chaque soir dans
le bus, en inconnus, avec toujours le même chauffeur dont la
moustache a blanchi.
Autour
de lui, il y a les copains, le fils Gomez, le fils Durant, Robert qui
habite en grande banlieue, Mike qui est américain par un père qu’il
ne connaît pas et qui imite mal, très mal John Wayne. Et tous se
racontent, et tous racontent. De drôles de trucs sur ces êtres
mystérieux que sont les filles, sur ces pétasses comme ils disent
ou comme ils diront, sur celle-ci…, sur celle-là… Et ils
s’esclaffent à leurs nigauderies, avec Inès qui, de temps à
autre, tourne la tête quand ils parlent trop fort, Inès qui les
regarde, Inès qui le regarde.
Fenêtre
sur passé, Michel Alomène
La Vie des livres , pp. 84/85
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