« Ce n’est pas l’irrévocable qui coule entre les lignes sublimes de Marlene Tissot, mais l’encre qui condamne et dénonce l’indifférence et le déni »

Marlene Tissot, nouvelliste de grande envergure, écrit avec art ce Poids du Monde. 26 pages d’une histoire sans possible issue. Où les mots, pleurent à notre place. Superbe de réalisme, cette nouvelle est sombre comme une chape de plomb. L’incipit introduit l’âme douloureuse de ce récit.


« Il y a cette petite baraque là-bas, au milieu d’un jardin abandonné. »
L’histoire de Lili courageuse, battante est le soleil en promesse d’un avenir meilleur. Le narrateur, son époux et père de leurs deux enfants, est dans un gouffre. Tel Le Rocher de Sisyphe il se bat jusqu’au bout contre l’adversité.
Page 25 : « Dans le blanc de ma nuit, les étoiles s’éteignent. »
La petite baraque est le symbole fort qui conclut à lui seul l’impossible espoir.
Tel l’horizon, ce dernier, intouchable, piège les rêves de Lili, et les mots forts du narrateur et leur vie en pesanteur. Sociologique, cartographie d’une société où le puissant écrase le faible, cette nouvelle résonne en écho dans de trop nombreuses constructions humaines.
Superbement dévoilée cette nouvelle déchire le ciel qui part en lambeaux. Marlene Tissot, est douée et fidèle à la cause perdue, et au reflet triste de cette histoire. Mots à maux le lecteur s’accroche à l’encre pour ne pas vaciller. Étreindre Lili et les enfants et fuir avec eux dans cette baraque où carillonne l’improbable heure de gloire. Mais les corbeaux noirs sonnent le glas. La baraque devient le kaléidoscope du paroxysme de l’impossible.
Page 15 : « Encore une lettre de refus ce matin. J’en ai un dossier plein…. L’huissier revient…. Monsieur Costard pointe les objets du doigt et Monsieur Salopette les emporte…. »
Ce n’est pas l’irrévocable qui coule entre les lignes sublimes de Marlene Tissot, mais l’encre qui condamne et dénonce l’indifférence et le déni.
Page 25 : « Je sors du lit sans réveiller Lili ».
L’époux et père des petits, vaillant soldat, martyr contemporain fait jaillir le craquement final de sa cause perdue.
Il aurait juste fallu un grain de fraternité dans le sablier de cette splendide et touchante nouvelle pour ne pas voir sombrer cette famille broyée par le rejet des nantis. Et ressentir combien notre société pourrait être humaniste si elle s’en donnait la peine.
Mais justement c’est l’inverse. Les grands de ce monde enfoncent des portes ouvertes et ne voient pas autour d’eux combien de personnes vivent dans cette grande détresse insupportable.
C’est tout le système de la société qui est dénoncé. Marlene Tissot approuve la voix qui s’élève du fronton de La République. Elle pointe du doigt là où ça fait mal et nous prouve sa grande humanité.
Nous pleurons de désespoir.
À lire d’urgence. »

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