« Nous autres, les gens de maison, on ne sait que ce que les patrons veulent qu’on sache. »


Avec Le Succube du tyran, Pascal Pratz pose un premier pied chez Lunatique. Un pied pas tout à fait ordinaire, puisque c’est un pied de nez.
On rit beaucoup à cette lecture. On rit même franchement, d’un rire libérateur. Jusqu’au couplet final qui tel le couperet s’abat sur le lecteur.
L’histoire que nous conte Pascal Pratz s’appuie sur la grande, celle qui s’écrit avec un H, et, à défaut d’être vraie, met en scène des personnages aisément identifiables. Le narrateur est valet de chambre dans un château qui, du jour au lendemain, se trouve réquisitionné par « le Guide » et sa bande de soudards : « Si vous croyez qu’on savait qui ils étaient, ces démons, ce qui s’était passé pendant les six années précédentes, eh bien vous vous trompez. Nous autres, les gens de maison, on ne sait que ce que les patrons veulent qu’on sache.[...] Quand ils sont arrivés, tous, on n’avait pas d’a priori, je l’avoue. Et c’est vrai aussi qu’on n’a pas mis longtemps pour déchanter, comprendre à qui on avait affaire. »
D’emblée, le ton enjoué de l’auteur se fait entendre malgré le vernis guindé du narrateur. Cette double lecture rend les anecdotes d’autant plus savoureuses. D’abord vraisemblables, pour ne pas laisser de doute quant au contexte, elles virent rapidement à la farce. C’est sans importance, car, plus que tout, on veut y croire. Les facéties bon enfant soulagent la conscience, le rire se fait complice, et on se prend à rêver que les choses auraient pu se passer ainsi.
Sauf que les « vainqueurs sont arrivés un beau jour. Ils se sont installés et ont fait leur ménage. Entendez qu’ils nous ont arrêtés et mis en prison ». Comment donc ? C’est absurde ! Nous, lecteurs, étions en compagnie si plaisante ! Au nom de quelle morale le narrateur, qui nous a tant fait rire, doit-il être condamné ?

S’il délivre sa réponse sur un plateau d’argent, Pascal Pratz ne prend pas de gants pour nous administrer une raclée et nous « bourreler » de remords. Percutant. Et dérangeant, car il n’est pas permis de récrire l’Histoire.


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